Au commencement

2021
Zhao Fei, Hu Jiaxing, Au commencement, 2021. Installation sonore, performance, film. Vue d’exposition dans la cage de Faraday du musée Edouard Branly. Durée du film : 20 mins.

Le 19 mars 2021, une vallée est entrée en éruption en Islande, sur cette île glacée faite de roches volcaniques. Cependant, ce n’est pas devenu une catastrophe naturelle. Les gens venaient de toutes les directions pour assister à ce spectacle. Les laves convergent vers une rivière d’énergie, coulant tranquillement le long de la vallée. C’est le théâtre du Cosmos, quand les Islandais se retrouvent dans la nature et fêtent la terre dans son action cosmogonique, ils comprennent que ce paysage est ainsi créé, détruit et recréé. Ils se sentent en conséquence invités par la Nature pour assister à cette « fête » qui consiste en une participation périodique mais permanente du « jaillissement du Temps primordial ».

Comme le disait Goethe : « Au commencement était l’action (Am Anfang war die Tat) », par la transmission de l’énergie cosmique, Au commencement manifeste l’origine cosmogonique de l’acte de création. L’éruption volcanique en Islande est un événement cosmogonique, et j’espère transmettre cette énergie de cosmogonie à travers ce projet de création.

Il a été exposé dans le Musée Édouard Branly à l’Institut Catholique de Paris, plus précisément dans le laboratoire d’Édouard Branly (1844-1940) qui réalisa en 1890 la première transmission de télégraphie sans fil. Il a révélé, dans cet espace lourdement recouvert de cuivre, l’invisible énergie cosmique comme moyen bouleversant de la communication. Le musée Édouard Branly de l’Institut Catholique de Paris est un espace scellé, d’une densité sourde et impénétrable. Cet espace est comme une grotte. Mais si l’on regarde plus attentivement, on peut trouver qu’il y a plusieurs petites fenêtres à même les parois, bien qu’elles soient fermées, elles ressemblent aux grottes-cieux du taoïsme, communiquant secrètement avec le monde céleste. Inspirée de la qualité particulière de l’espace, j’ai fait une installation sonore. 

J’ai contacté des personnes qui se sont rendues dans la vallée en éruption, et après avoir obtenu leur autorisation, j’ai utilisé les sons volcaniques qu’ils avaient enregistrés comme matériau de transformation de l’espace et du temps. Parmi ces matériaux sonores, il y a les hurlements du vent et de la neige au milieu des volcans, les murmures du magma s’écoulant à travers les fissures de la terre, les bruits assourdissants de l’éruption soudaine, et encore des rafales crépitantes du feu terrestre jaillissant vers le ciel qui rencontre le froid du vent et de la pluie.

Les sons du jaillissement des magmas de l’éruption volcanique de la vallée de Geldingadalur en Islande, enregistrés et recomposés comme un « battement du cœur » de la Terre, vont transformer cette « grotte » en un champ cosmogonique, les battements venant de l’intérieur du monde terrestre rendent l’espace sensiblement vivant. J’ai composé ces sons comme une ode au commencement cosmogonique. Le premier chapitre décrit le chaos originel, lointain et vaste. Puis, il y a de la lave qui commence à circuler, comme le battement du cœur d’un fœtus dans le ventre de la mère, la terre est conçue comme un éclat. Enfin, dans le jaillissement de l’énergie, la vie naît, puis, le langage.

 

Interview autour du projet “Au commencement” >