L’éruption du Vésuve au 23 août 79 a dévasté Pompéi et a été une des plus grandes catastrophes par la force destructrice de la Nature. Témoin direct de l’éruption, Pline le Jeune décrit les détails de cette terrible tragédie :
Il était difficile de discerner de loin de quelle montagne sortait ce nuage ; l’événement a découvert depuis qu’il provenait du mont Vésuve. Sa figure approchait de celle d’un arbre, et d’un pin plus que d’aucun autre ; car, après s’être élevé fort haut en forme de tronc, il étendait une espèce de feuillage. Je m’imagine qu’un vent souterrain violent le poussait d’abord avec impétuosité et le soutenait ; mais, soit que l’impulsion diminuât peu à peu, soit que ce nuage fût affaissé par son propre poids, on le voyait se dilater et se répandre ; il paraissait tantôt blanc, tantôt noirâtre, et tantôt de diverses couleurs, selon qu’il était plus chargé ou de cendre ou de terre. Ce prodige surprit mon oncle, qui était très savant, et il le crut digne d’être examiné de plus près. (Pline le Jeune, Epîtres, VI, 16. Traduction de Sacy)
Le mont Vésuve riche en huile et en vin est tout proche de la ville de Naples. Mais lorsqu’il se fendit par le sommet et fit jaillir tellement de feu que les villes et les villages et tous les arbres brûlèrent, sa force destructrice était accompagnée aussi d’une image spectaculaire. Pline le Jeune décrit le nuage de l’éruption comme un arbre qui étend du feuillage, il voit justement cette énergie terrestre incarnée sous la forme d’un gigantesque arbre cosmique. Cette scène à la fois apocalyptique et miraculeuse attire naturellement mais aussi fatalement Pline l’Ancien, sa contemplation trop proche lui a finalement coûté la vie.
Cette scène catastrophique me rappelle ma propre expérience d’ascension du Vésuve en janvier 2018. La vie quotidienne dans les villages au pied de la montagne était aussi paisible que celle d’un village méditerranéen quelconque, plus on montait vers le volcan, plus les grandes villas s’éparpillaient. On s’étonnera que les habitants montraient un tel désir de s’approcher de ce centre énergétique, qu’ils semblaient oublier la catastrophe historique.
Une fois sortie du village, en serpentant le long du chemin, on pouvait de plus en plus sentir la puissance volcanique qui impliquait sa force sans détour à travers un paysage changeant. Sur une terre marron foncé, la forêt était noire, brulée jusqu’aux troncs et les branches complètement carbonisés, néanmoins, les arbres restaient incroyablement vivants. En errant dans cette forêt brûlée, il était difficile de distinguer la vie et la mort. Quand on était proche du cratère, les roches rugueuses comme celles dans la peinture chinoise à l’encre sèche, étaient couvertes par les mousses vert malachite qui semblaient chanceler ; la terre ocre foncé laissait visibles les traces d’éruption. En demeurant sur le cratère et en regardant vers son intérieur, les herbes folles envahissaient les pierres gigantesques, parmi lesquelles on voyait des fumées volcaniques comme si la montagne endormie respirait…
En marchant sur cette terre chaude de fumées permanentes, on peut fortement sentir une force d’élévation céleste, une « entité puissante » qui résonne avec les pluies de pierres dans des scènes apocalyptiques. Aussi, les vestiges des éruptions ainsi que les événements quotidiens volcaniques nous révèlent ici un temps au-delà de l’histoire humaine. Après mon retour de cette visite, j’ai essayé de représenter le paysage volcanique que j’avais vu, ou des scènes d’éruption que j’avais imaginées, dans ce petit dessin des nuages volcaniques au-dessus du mont Vésuve.