À l’été 2016, j’ai été invitée à m’exposer dans l’espace d’Art Sans Frontière à Paris. Toujours inspirée par la notion du templum, j’ai voulu que le processus de ma création in situ soit comme un rituel de construction d’après un archétype céleste. J’ai fait tout d’abord une installation variante du Templum du Ciel. Avant l’exposition, j’ai remonté mes soixante photomontages du Ciel en séquence dans une vidéo. Ces images célestes ont ainsi pris une transformation radicale : au fil du temps, les soixante monochromes du Ciel évoluaient à chaque seconde, et le changement continuel dans une durée de vingt-quatre heures a été symboliquement et fortement condensé dans la vidéo en quelques minutes. En conséquence, la conscience du temps que nous pouvons ressentir à travers la vidéo, est effectivement le changement concret de la lumière céleste. Avec un miroir installé au plafond, j’ai projeté un tel Ciel sur le sol de l’espace d’exposition, condensé dans un cercle d’un diamètre de 1,5 mètre. Ainsi, j’ai installé un Ciel contemplatif et constamment changeant dans l’espace.
L’idée d’une construction terrestre sous le Ciel, à l’intérieur de cette rondeur céleste, s’est inspirée de la pensée cosmologique de la Chine antique : la théorie astronomique Gai tian 盖天, littéralement « Ciel- couvrant ». Ce modèle du Cosmos représente la Terre « couverte » par le Ciel en une forme de bol renversé. La théorie du Ciel-couvrant révèle la construction terrestre d’après l’archétype céleste dans la Chine antique, soulignant le parallélisme entre Ciel et Terre.
Pendant la performance, j’étais immergée dans un Ciel dynamique, les teintes changeaient sans cesse, elles étaient tantôt claires, tantôt sombres, des fois à la limite de disparition. Tenant un bol de sel dans ma main, j’ai commencé la construction terrestre. Dans le silence, le bruit du sel tombé au sol de la main semblait particulièrement clair, une forme carrée avec ses quatre coins touchant le bord du rond céleste. De cette façon, un schéma cosmique avec le Ciel rond et la Terre carrée a été construit.
J’ai rajouté à chacun des quatre coins un petit carré pour achever cette construction terrestre symbolique. Je l’ai nommée Ming tang 明堂, « Palais de lumière ». Cette forme carrée avec les quatre coins découpés en carré vers l’intérieur est un templum typique de la Chine antique. Ce genre d’architecture cérémonielle était un lieu où la société aristocratique organisait des cérémonies importantes dans lesquelles elle pratiquait le sacrifice aux ancêtres et aux dieux, mais aussi publiait des décrets. Une telle forme symbolique du templum, apparemment simple, nous rappelle que les constructions terrestres des ancêtres des Chinois, qu’il s’agisse de l’espace cérémoniel lié aux rituels du sacrifice ou de l’habitation ordinaire, manifestent leur connaissance du Cosmos, et plus précisément, leur volonté de construire le monde sous l’archétype céleste. Le Palais de lumière nous montre un modèle cosmologique de l’espace, sobre et essentiel. Dans le travail du Palais de lumière, j’ai suivi ce modèle cosmologique pour transformer un espace banal dans une ville moderne en un espace cosmique, c’était un acte de cosmiser l’espace selon l’archétype céleste dans la pensée chinoise.